Question d’actualité sur les agences de notation – Gabriel Massou
Conseil régional des 29 et 30 septembre 2011
Question d’actualité sur les agences de notation
Gabriel Massou
Monsieur le Président,
Depuis plusieurs mois, la crise des dettes publiques sert de prétexte au développement des politiques d’austérité. On organise l’affolement pour faire oublier que la crise prend ses racines dans les réponses libérales à la crise : multiplication des cadeaux aux banques, réduction massive d’impôts pour les plus riches…
Après la dégradation de la note de la Tunisie dès la chute du dictateur Ben Ali, après la bonne note attribuée à Lehman Brothers quelques jours seulement avant sa faillite, la situation de la Grèce a montré tout le rôle pervers que jouent les « agences de notation » : ne cessant de dégrader la note de la Grèce, jusqu’à atteindre la note CCC, elle a ainsi contribué à faire exploser les taux auxquels emprunte la Grèce sur les marchés financiers, aggravant la dette et l’enfermant dans un cercle vicieux.
Il n’y aura pas de sortie de ce cercle vicieux sans une politique d’émancipation vis-à-vis des marchés financiers, sans une maîtrise publique de la finance et du crédit. Il n’y aura pas de sortie de crise tant que les agences de notations continueront à imposer leur loi, à proférer leurs prophéties autoréalisatrices.
Et pourtant, les collectivités locales, elles aussi, subissent la pression des agences de notation. Chaque année, la Région Île-de-France attend avec une anxiété plus ou moins partagée par les groupes politiques leur sacro-saint verdict. La dépendance est si grande qu’une collectivité comme la nôtre en vient même à payer une de ces agences de notation la coquette somme de 85 000 € !
Qui sont ces agences de notation ? De quels organes démocratiquement élus procèdent-elles ? Quels sont ces critères, et comment sont-ils établis ?
La lecture des critères de notation des collectivités territoriales de l’agence Fitch, qui note la Région Île-de-France, est à ce titre fort instructif. On y apprend notamment que sont considérés comme des facteurs de risque les grands projets d’investissement, le fait que les employés soient « fortement syndicalisés », que les fonctionnaires bénéficient « d’un statut protégé » ou encore « la capacité des électeurs à organiser des consultations publiques ou des tentatives législatives » ! On comprend dès lors la dégradation de la note tunisienne…
Fitch et ses amies ne cessent de rabâcher l’éternel discours sur la dette que nous léguerions à nos enfants. Elle oublie, en revanche, de parler des lycées, des infrastructures de transport, des bases de loisir qu’elle a permis de financer ! De l’utilité sociale, elles ne se préoccupent pas : priorité aux marchés financiers, toujours.
La Région ne saurait se soumettre à la pression de tels organismes qui s’érigent au-dessus des choix démocratiques des peuples et considèrent la démocratie et le progrès social comme un risque.
Une collectivité de gauche doit contester leur pouvoir et les critères de ces agences de notation. Il est de notre responsabilité, Monsieur le Président, d’opposer à leur jugement ceux d’organes démocratiques, représentatifs, qui s’appuieraient sur des critères non seulement financiers mais partiraient des besoins sociaux.
Monsieur le Président, pourquoi la Région Île-de-France, avec d’autres collectivités si elles le souhaitent, d’autres régions, ne prendrait pas l’initiative de mettre en place un contre-pouvoir à ces agences de notation en rassemblant des financiers, mais aussi des associations, des syndicalistes, des élu-e-s, des citoyen-ne-s ? L’évaluation et le contrôle des politiques publiques sont des sujets bien trop importants pour le laisser à ces obscures officines.
La mise en place d’un tel outil, Monsieur le Président, nous permettra de contester publiquement et avec force les critères et le rôle anti-démocratiques et anti-sociaux que jouent les agences de notation.